Gabon : qui gouvernera avec Oligui Nguema ?

Nicéphore AKOUE

5/2/20258 min read

À la suite du coup d’État présenté comme un acte de "libération" le 30 août 2023, le Gabon est entré dans une période de transition politique dirigée par le général Brice Clotaire Oligui Nguema. Deux gouvernements ont été formés durant cette séquence, avec Raymond Ndong Sima comme Premier ministre, figure respectée dont la posture a souvent été saluée pour son calme, sa rigueur et son sens de l’État.

Malgré cette stabilité à la primature, la transition n’a pas échappé aux critiques, notamment autour de certains ministères jugés peu performants. L'opinion publique s’est régulièrement interrogée sur la gestion des portefeuilles liés à l’économie, aux finances ou encore à la réforme des institutions. Des lenteurs, des tensions internes et une communication souvent floue ont alimenté un climat de scepticisme croissant.

Près de deux ans après le basculement politique, le Gabon s’est doté d’une nouvelle Constitution ainsi que d’un Code électoral revisité, préparant le terrain pour la fin officielle de la transition. Le 12 avril 2025, les Gabonais ont été appelés aux urnes pour élire leur président, marquant une étape symbolique vers un retour à la normalité républicaine.

La campagne, lancée le 29 mars 2025, s’est ouverte dans un contexte de grande attente. Après l’invalidation de plusieurs candidatures pour non-conformité, huit candidats ont été retenus, parmi lesquels :

  1. Alain Claude Bilie By Nze ;

  2. Alain Simplice Boungoueres ;

  3. Joseph Lapensée Essingone ;

  4. Chaning Zénaba Gninga ;

  5. Alex Stophène Ibinga Ibinga ;

  6. Stéphane Germain Iloko Boussengui ;

  7. Thierry Yvon Michel N’Goma ;

  8. Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition et désormais en quête d’un mandat populaire.

La campagne présidentielle de 2025 a été marquée par une vaste coalition d’anciens partis politiques, d’associations citoyennes et de figures indépendantes, rassemblés autour du général Brice Clotaire Oligui Nguema, alors président de la transition. Sa candidature, largement attendue, s’est imposée dès les premiers instants comme celle du favori.

Mais derrière cette dynamique électorale, certains observateurs n’ont pu s’empêcher d’exprimer des réserves. La résurgence de figures clés du Parti Démocratique Gabonais (PDG), jadis au cœur du régime déchu, a nourri un sentiment d’ambiguïté autour de la promesse de rupture. Cette impression s’est renforcée avec la nomination de Jean Pierre Oyiba, pilier du PDG, à la tête de la coordination générale de la campagne, ainsi que celle de Alexandre Barro Chambrier (président du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité - RPM) à la coordination de la province de l’Estuaire. D’autres figures bien connues ont également été positionnées à la direction des campagnes provinciales.

Dans cette architecture stratégique, la jeunesse n’a pas été en reste. La plateforme "Le Rassemblement des Bâtisseurs", moteur opérationnel du mouvement, a été confiée à Anges Nzigou Kevin, incarnation d’une génération politique montante. Parmi les structures qui ont alimenté cette dynamique, on retrouve des associations comme Ossimane, aujourd’hui rebaptisée Pensée Patriotique, avec à sa tête Aurélien Mintsa Nguema, frère cadet du président, et bien d'autres figures influentes.

Le mot d’ordre général semblait être clair : "Tout pour le Président, mais chacun en vitrine." Un slogan tacite qui traduit une stratégie d’alignement total, habillée de nuances individuelles pour préserver les équilibres.

Le dimanche 13 avril 2025, Brice Clotaire Oligui Nguema a été élu Président de la République, sans surprise, et avec une avance confortable. Mais les regards sont désormais tournés vers l’après. La prestation de serment ouvrira la séquence décisive : celle de la formation du premier gouvernement de la nouvelle ère.

Alors, qui parmi les stratèges de campagne et les ministres sortants retrouvera une place dans l’architecture à venir ?
D’après nos observations, certains noms commencent déjà à émerger…

Selon la nouvelle Constitution, la hiérarchie de l’exécutif gabonais se structure désormais autour de quatre pôles majeurs :

  1. Le Président de la République (poste déjà occupé par Brice Clotaire Oligui Nguema) ;

  2. Le Vice-Président de la République ;

  3. Le Vice-Président chargé du Gouvernement ;

  4. Les ministres.

À l’heure où les spéculations vont bon train sur la future composition du pouvoir exécutif, plusieurs noms circulent pour le poste stratégique de Vice-Président de la République. Bien sûr, ces pistes ne sont pour l’instant que des projections nourries par les dynamiques de la campagne, les signaux politiques envoyés et les équilibres à respecter.

Voici quelques figures à surveiller :

  • Alain Claude Bilie-By-Nze : Ancien Premier ministre et principal opposant lors de l'élection présidentielle de 2025, où il a obtenu 3,11 % des voix. Sa nomination pourrait symboliser une volonté d'ouverture et de réconciliation nationale.​

  • Angélique Ngoma : Secrétaire générale du Parti Démocratique Gabonais (PDG) depuis mars 2024, elle incarne une figure politique expérimentée. Sa nomination renforcerait la représentation féminine au plus haut niveau de l'État.​

  • Jean Pierre Oyiba : Ancien directeur de campagne du président Oligui Nguema, il est reconnu pour sa loyauté et son expertise politique. Sa nomination serait un gage de fidélité au sein de l'exécutif.​

  • Raymond Ndong Sima : Premier ministre du gouvernement de transition, il a joué un rôle clé dans la période post-coup d'État. Sa promotion au poste de Vice-Président renforcerait la continuité des réformes engagées.​

  • Séraphin Moundounga : Ancien ministre de la Justice et exilé politique pendant sept ans, il est revenu au Gabon en octobre 2023 après la chute du régime d'Ali Bongo. Nommé président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de la Transition, il a plaidé pour un exécutif plus responsable et une gouvernance renouvelée . Sa nomination au poste de Vice-Président symboliserait une volonté d'inclusion des figures de l'opposition et de reconnaissance de son engagement pour la réforme institutionnelle.

Un poste stratégique au cœur du pouvoir exécutif

Dans la nouvelle architecture institutionnelle, le Vice-Président chargé du Gouvernement s’annonce comme l’un des rouages essentiels du dispositif présidentiel. À la croisée de l’exécutif et de l’administration, il ou elle agira en véritable chef d’orchestre, garant de la coordination des ministères et relais politique direct du Président de la République.

À ce niveau de responsabilité, les arbitrages seront délicats. Expérience, loyauté, équilibre géographique et poids politique dans la campagne joueront tous un rôle dans la désignation du futur titulaire. Plusieurs noms circulent déjà, portés par leur trajectoire ou leur implication récente.

Voici quelques profils qui retiennent l’attention :

  • Alexandre Barro Chambrier : Vice-Premier ministre du gouvernement sortant, président du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM), il a su faire de son parti une force politique incontournable durant la campagne. Ancien opposant au régime Bongo, il a opéré un rapprochement stratégique avec le pouvoir de transition. Sa nomination incarnerait une volonté de continuité intelligente, mêlée de légitimité électorale.

  • Raymond Ndong Sima : figure de stabilité durant la période de transition, il pourrait être reconduit dans un rôle central si le Président choisit de valoriser la cohérence de l’action menée ces deux dernières années. Son expérience, son sens de l'État et sa posture modérée plaident en sa faveur.

  • Flavien Nzengui Nzoundou : moins visible médiatiquement, mais apprécié pour sa discrétion et son efficacité, cet acteur politique expérimenté pourrait être propulsé à un poste plus stratégique, dans une logique de promotion interne. Un choix de confiance, dans la ligne d’un exécutif structuré.

  • Ou peut-être... une surprise du Président ? Le style Oligui Nguema, fait d’alliances inattendues et de signaux politiques calculés, laisse aussi place à l’éventualité d’un profil moins attendu. Un nom nouveau, pour marquer une rupture forte ou consolider une fidélité stratégique.

Les ministrables : vers une reconduction partielle ?

Alors que les projecteurs sont braqués sur les têtes d’affiche du futur exécutif, une question traverse les coulisses du pouvoir : qui, parmi les anciens ministres et figures politiques de la transition, pourrait retrouver une place dans le nouveau gouvernement ?

Si le président Oligui Nguema souhaite bâtir une équipe stable, compétente et fidèle à sa vision, il est fort probable que certains profils ayant fait leurs preuves soient reconduits. Il ne s’agirait pas d’un recyclage, mais d’un ancrage dans la continuité et l’efficacité. Voici quelques noms qui, selon nos analyses, ont de fortes chances de réapparaître dans la future équipe gouvernementale :

  • Herman IMMONGAULT

  • Camelia Ntountoume-Leclerq

  • Mays Mouissi

  • Gilles Nembe

  • Lubin Ntoutoume

  • Charles Mba

  • Cyrielle Zora Kassa

  • Maurice Ntossui Allogo

  • Manfoumbi Manfoumbi Ulrich

  • Brigitte Onkanowa

  • Pascal OGOWE Siffon

Ces visages qui pourraient faire leur entrée

Dans cette nouvelle ère post-transition, le mot d’ordre semble être : renouveler sans désorienter. Et si certains piliers de la transition seront probablement reconduits, une nouvelle génération politique se dessine, issue des rangs de la campagne, des mouvements associatifs, ou de la société civile. Leur engagement, leur proximité avec les jeunes, et parfois leur audace, les placent aujourd’hui parmi les prétendants crédibles à des postes ministériels.

Voici quelques noms qui incarnent cette relève :

  • Aurélien Mintsa Mi Nguema

  • Elza Ritchuelle Boukandou

  • Anges Nzigou

  • Eddy Minang

  • Arnauld Egandji

De la campagne à l’État ?

Toutefois, la transition et la campagne ont vu éclore de nouveaux noms dans la vie politique gabonaise, tant à l’intérieur du pays que dans la diaspora. Portés par leur engagement, leur proximité avec les citoyens, ou encore leur force de mobilisation sur le terrain comme en ligne, ces figures montantes pourraient occuper des postes stratégiques dans les prochaines années, voire dès ce gouvernement.

  • Melvin Gondjout

  • Melvyn Minang-Fils

  • Joanna Boussamba

  • Nora Kassa

Ces noms, bien qu’hypothétiques, dessinent déjà les lignes de force de l’après-victoire. Le choix du futur Vice-Président ne sera pas seulement une affaire de fidélité politique, mais aussi de symbole, d’équilibre régional, générationnel et de message adressé à la nation.

À l’heure où le Gabon s’apprête à refermer la parenthèse de la transition, le casting du premier gouvernement de la Ve République sera scruté avec attention. Il devra répondre à une triple exigence : rassurer, renouveler, réconcilier.

Le gouvernement qui se dessinera ne sera pas seulement une équipe. Il sera un signal. Celui d’un pays qui, peut-être pour la première fois depuis longtemps, se donne une chance d’écrire une page neuve avec des plumes anciennes et et nouvelles.