Le nouveau Code Électoral favorise-t-il la transhumance ?

10/4/20254 min read

Vivre dans une circonscription, voter dans une autre. Transporter des électeurs afin qu’ils votent dans une circonscription différente de leur lieu d’habitation. Fraude ? Vide juridique ?

Que dit la loi électorale ?

Le non-respect de l’article 59 entraîne des sanctions incluant la privation de liberté ou des amendes précisées à l’article 325 du Code électoral.

Et il n’est pas sans conséquence puisqu’il peut aboutir à l’annulation d’un scrutin (article 361 et 362 du Code électoral).

La pratique et ses limites

En pratique, cette dérive est difficile à enrayer. Lors d’un changement de centre de vote, aucune justification ni preuve n’est exigée. Un primo-électeur n’est en rien contraint dans le choix de son lieu de vote. Il en est ainsi que ce soit au Gabon ou dans la diaspora. Dès lors, comment réellement identifier et sanctionner la transhumance électorale ?

Concernant le transport de personnes en période électorale, la loi reste vague. Le terme transport d’électeur n’existe pas dans la loi électorale. En revanche l’article 362 du Code électoral mentionne le « transfert d’électeurs ».

Certains inscrits en province à l’approche d'échéances électorales se retrouvent dans des difficultés pour se rendre à l’intérieur du pays pour exercer leur devoir citoyen. Ils cherchent donc les voies et moyens pour rejoindre leur centre de vote.

Oui, quiconque conditionne le transport d’électeurs à un vote précis se rend complice de transhumance électorale. Il en est de même pour celui qui promet des avantages ou une somme d’argent aux personnes transportées en échange de leurs votes.

Mais qu’en est-il de ceux qui facilitent simplement l’acheminement des électeurs vers leur centre de vote sans contrepartie ?

Peut-on parler de fraude ? De triche ? Il semble difficile de se prononcer car il faudrait trancher au cas par cas et preuve à l’appui.

Pour autant, le sujet soulève de réelles interrogations et pose la question d’une éventuelle révision du code électoral.

Représentativité et enjeux citoyens

La loi l’autorise aujourd’hui, mais voter ailleurs que là où l’on vit pose un vrai problème de représentativité.

Au moment de l’élection présidentielle, le phénomène, bien qu’existant, est souvent moins décrié. C’est durant les élections législatives et locales que les voix s’élèvent avec vigueur. Est ce simplement parce que la défaite est difficile à accepter par ceux qui ont été battus ? L’enjeu est tout de même différent et l’impact sur les populations n’est pas le même.

L’Etat mène une politique de décentralisation (article 155 de la Constitution). Les maires, conseillers municipaux et départementaux la mettent en œuvre. Représentants des collectivités locales, ils doivent agir dans l’intérêt des habitants. Il revient donc logiquement à ces derniers de les désigner.

Un simple lien familial, économique ou professionnel suffit-il pour élire des représentants d’une localité où l’on ne vit pas ? Celui qui réside à Libreville doit-il vraiment décider de l’avenir de Koulamoutou au même titre que l’habitant permanent, simplement parce qu’il en est originaire et y possède une maison familiale ?

Qui va sanctionner le maire dont le bilan est négatif quand ses administrés sont inscrits pour voter dans une autre province ? Le sort de la ville est remis entre quelles mains lorsque ses habitants partent voter « au village » ?

En l’état, le Code électoral pose des principes mais laisse de nombreuses zones grises, rendant l’application et la sanction de la transhumance électorale très difficiles. Une révision plus rigoureuse des conditions d’inscription et du transport des électeurs pourrait constituer une piste de réforme.

En définitive, l’État semble effectivement vouloir combattre la transhumance électorale mais ne met pas en place les verrous pour l’empêcher réellement.

Finalement, la volonté est-elle de coller à nos réalités ou de se laisser une marge de manœuvre en période électorale ? A qui profite ce système ?

Définition et cadre légal

Le code électoral est clair sur la définition de la transhumance électorale (Article 3).

Vous devez avoir une attache avec la localité que vous choisissez comme centre de vote au risque d’être ce qu’on appelle communément au Gabon, du « bétail » ou « bœuf votant ».

Le phénomène des « bœufs votants » est une pratique qui consiste à gonfler le corps électoral d’une localité par l’inscription de personnes sans réel lien avec celle-ci dans l’unique but d’influencer les résultats d’une élection et en échange d’une contrepartie (souvent financière).

L’article 59 du Code électoral complète cette définition en fixant les conditions d’inscription sur la liste électorale. Le centre de vote doit ainsi refléter un véritable ancrage local.

Nouveauté introduite lors de la révision du code électoral de janvier 2025, elle vise, selon le ministre de l'Intérieur, non seulement à garantir des élections plus fiables mais aussi à assurer la légitimité des élus. Tout ceci en prenant compte de nos réalités qui veulent que nos intérêts ne se limitent pas nécessairement à notre lieu de résidence.