Constitution du Gabon : décryptage des changements apportés

Décryptage et analyse des modifications constatées dans la nouvelle Constitution du Gabon lors de sa publication au Journal Officiel.

1/10/20257 min read

Le 16 novembre dernier, les électeurs gabonais sont allés aux les urnes dans le cadre du Référendum 2024. Ce vote a donné lieu à une écrasante victoire du “OUI”, à 91%. Néanmoins, lors de sa publication au Journal Officiel, des modifications ont été relevées dans la Constitution adoptée.

Des modifications significatives

Dans un article publié le 24 décembre dernier, GabonMediaTime étaient les premiers à relever ces modifications.

Les autorités gabonaises n'ont pas apporté de justifications aux changements apportés, mais plusieurs articles ont été substantiellement modifiés. Notre équipe de Bénévoles a relevé des modifications sur les articles suivants :

Article 28 :

  • Version soumise au référendum : Chaque citoyen a le devoir de respecter et de défendre le patrimoine national et les biens publics et de contribuer à la préservation ainsi qu’à l’amélioration de l’environnement.

  • Version publiée au Journal Officiel : Chaque citoyen a le devoir de contribuer à la préservation ainsi qu'à l'amélioration de l'environnement.

Modifications apportées : dans la version publiée au Journal Officiel, l’Article 28 a été reformulé.

Article 46 :

  • Version soumise au référendum : En cas d’empêchement temporaire du Président de la République dûment constaté par la Cour Constitutionnelle, sur saisine des Présidents des deux Chambres du Parlement ou du Vice-Président du Gouvernement, le Vice-Président de la République exerce provisoirement les fonctions de Président de la République, à l’exclusion des pouvoirs prévus par les articles 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 145 et 156 de la présente Constitution. L’empêchement temporaire ne peut excéder quarante-cinq jours. Passé ce délai, l’empêchement devient définitif. En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif de son titulaire, constatés par la Cour Constitutionnelle saisie soit par le Bureau de l’Assemblée Nationale statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, soit à l’initiative du Vice-Président du Gouvernement après convocation du Conseil des Ministres statuant à la majorité simple de ses membres, les fonctions de Président de la République, à l’exception de celles prévues aux articles 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 145 et 156 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat, et, si celui-ci est empêché à son tour, par le Premier Vice-Président du Sénat. Dans tous les cas, ni l’un ni l’autre ne peut être candidat à l’élection présidentielle. Avant son entrée en fonction, le Président du Sénat assurant l’intérim prête serment dans les conditions prévues à l’article 50 ci-dessus. En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par la Cour Constitutionnelle, le scrutin pour l’élection du nouveau Président a lieu, sauf cas de force majeure constatée par la Cour Constitutionnelle, trente jours au moins et cent-vingt jours au plus après l’ouverture de la vacance ou de la déclaration du caractère définitif de l’empêchement. Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique.

  • Version publiée au Journal Officiel : En cas d'empêchement temporaire du Président de la République dûment constaté par la Cour Constitutionnelle, sur saisine des Présidents des deux Chambres du Parlement ou du Vice-Président du Gouvernement; le Vice-Président de la République exerce provisoirement les fonctions de Président de la République, à l'exclusion des pouvoirs et prérogatives prévus par les articles 54, 55 alinéa 3, 57, 58, 59, 62, 63, 66, 123, 128, 162 et 167 de la présente Constitution. L'empêchement temporaire ne peut excéder quarante cinq (45) jours. Passé ce délai, l'empêchement devient définitif. En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d'empêchement définitif de son titulaire, constatés par la Cour Constitutionnelle saisie soit par le Bureau de l'Assemblée Nationale statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, soit à l'initiative du Vice-Président du Gouvernement après convocation du Conseil des Ministres statuant à la majorité simple de ses membres, les fonctions de Président de la République, à l'exception de celles prévues aux articles 54, 57, 58, 59, 62, 63, 66, 162 et 167 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat, et, si celui-ci est empêché à son tour, par le Premier Vice-Président du Sénat. Dans tous les cas, ni l'un ni l'autre ne peut être candidat à l'élection présidentielle.

    Avant son entrée en fonction, le Président du Sénat assurant l'intérim prête solennellement le serment ci-dessous devant la Cour Constitutionnelle, en présence du Parlement, la main gauche posée sur la Constitution, la main droite levée devant le Drapeau national. « Je jure de consacrer toutes mes forces au bien du peuple gabonais, en vue d'assurer son bien-être et de le préserver de tout dommage, de respecter et de défendre la Constitution et l'État de droit, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge et d'être juste envers tous. »

    En cas de vacance ou lorsque l'empêchement est déclaré définitif par la Cour Constitutionnelle, le scrutin pour l'élection du nouveau Président a lieu, sauf cas de force majeure constatée par la Cour Constitutionnelle, trente (30) jours au moins et cent-vingt (120) jours au plus après l'ouverture de la vacance ou de la déclaration du caractère définitif de l'empêchement. Les modalités d'application du présent article sont fixées par une loi organique.

Modifications apportées : dans la version publiée au Journal Officiel, les renvois d’articles ont été corrigés et le serment du Président par intérim a été ajouté.

Article 93 :

  • Version soumise au référendum : Les deux Chambres du Parlement se réunissent en Congrès pour les cas suivants :

    - la procédure de révision constitutionnelle conformément à l’article 170 de la présente Constitution ;

    - la communication du Président de la République conformément à l’article 46 de la présente Constitution ;

    - l’autorisation de déclarer la guerre à la majorité des deux tiers(2/3) des membres du Parlement réuni en Congrès, conformément à l’article 61 de la présente Constitution.

  • Version publiée au Journal Officiel : Les deux Chambres du Parlement se réunissent en Congrès pour les cas suivants :

    - la procédure de révision constitutionnelle conformément à l'article 167 de la présente Constitution ;

    - la communication du Président de la République conformément à l'article 59 de la présente Constitution ;

    - l'autorisation de déclarer la guerre à la majorité des deux tiers (2/3) des membres du Parlement réuni en Congrès, conformément à l'article 61 de la présente Constitution.

Modifications apportées : dans la version publiée au Journal Officiel, les renvois d’articles ont été corrigés.

Une atteinte à la souveraineté populaire

Ces modifications transforment la Constitution adoptée et place le Gabon au cœur d’une controverse politique majeure. Ils interviennent après le vote du Peuple et sans consultation préalable; ce qui soulève des questions fondamentales sur l’état de droit, la souveraineté populaire et les implications politiques au sein d’un pays encore fragilisé pendant une Transition qui peine de plus en plus à convaincre. Le vote lors du Référendum constitue l’expression directe de la souveraineté du Peuple. En modifiant le texte adopté par les électeurs, les autorités gabonaises semblent saper cette souveraineté.

Aucun membre du Gouvernement ou des institutions concernées n’a fourni de justification officielle pour expliquer ces changements. Cela soulève de nombreux doutes sur la transparence de la gouvernance actuelle et pose la question de la valeur juridique de cette nouvelle version. Celle-ci pourrait faire l’objet de contestation auprès de la Cour Constitutionnelle ou de tribunaux internationaux.

Les conséquences sur la confiance des citoyens

Ces changements inopinés risquent de renforcer les doutes déjà présents chez les citoyens envers la classe politique. En effet, les populations gabonaises pourraient percevoir cette situation comme une preuve supplémentaire de la manipulation des processus démocratiques par les élites politiques. Une des conséquences négatives pourrait être le découragement de l’implication citoyenne. En effet, la Constitution adoptée plaçait la Société Civile comme un des piliers de la vie politique au Gabon, mais ces modifications peuvent avoir l’effet opposé : si les résultats d’un référendum peuvent être ignorés ou modifiés, quelle est la capacité réelle des électeurs à influencer les décisions nationales ?

Les leçons à tirer

La modification de la Constitution gabonaise après son adoption par Référendum soulève des interrogations cruciales sur la démocratie et l’état de droit dans le pays. Cette controverse pourrait affaiblir le général Brice Oligui Nguema, en démontrant un manque de cohérence ou de transparence dans ses réformes.

Afin d'atténuer cette crise, nous pensons que les autorités devraient expliquer publiquement les raisons des modifications apportées et fournir une justification claire. Si les changements sont jugés nécessaires, une communication claire et transparente pourrait restaurer la confiance populaire.

Cette crise met également en évidence la nécessité de consolider les contre-pouvoirs pour prévenir de telles situations à l’avenir, comme nous l'avions déjà relevé lors de nos analyses du Projet de Constitution pour le Référendum.

En résumé, si les autorités espèrent tourner la page d’une histoire marquée par l’instabilité, elles doivent veiller à ce que leurs actions respectent les principes fondamentaux de transparence, de légitimité et de respect de la volonté populaire. Le Gabon se trouve à un carrefour, et la manière dont cette crise sera gérée pourrait déterminer la trajectoire politique et institutionnelle du pays pour les années à venir.