TITRE III :
DU POUVOIR EXECUTIF
Analyse du TITRE III du Projet de Constitution
Ce TITRE III est fondamental pour comprendre la future structure du pouvoir exécutif au Gabon et les mécanismes de gouvernance qui seront mis en place. Cette section du Projet de Constitution définit le rôle du Président de la République qui assume la responsabilité de la direction de la politique nationale, de la défense et de la sécurité du pays, ainsi que de la représentation du pays à l'international. Le Président de la République veille au bon fonctionnement des pouvoirs publics et à la continuité de l'État.
Dans l’éventualité où une crise majeure menaçant les institutions survient, il peut exercer des pouvoirs exceptionnels pour rétablir l’ordre constitutionnel, sans toutefois pouvoir suspendre les institutions. Si le Président le juge nécessaire, il peut également dissoudre l'Assemblée Nationale une seule fois par mandat, avec l'accord du Parlement. En cas d’empêchement temporaire ou définitif du Chef de l’Etat, le Vice-Président ou le Président du Sénat assure l’intérim.
Il est élu pour un mandat de sept ans, rééligible une seule fois et ne peut pas faire plus de deux mandats successifs. Les critères d’éligibilité pour une candidature à la Présidence sont les suivants : tout Gabonais, homme ou une femme, né d’au moins un parent également né Gabonais; le candidat doit être âgé de 35 ans au moins et 70 ans au plus: il doit avoir sa résidence établie au Gabon pendant au moins 3 ans en continue avant l’élection et jouir d'un état de santé, physique et mental, satisfaisant. Il doit également pouvoir parler dans une langue locale. De plus, les conjoints ainsi que les descendants des présidents élus ne peuvent pas être candidats aux élections présidentielles.
Une fois élu, le Président, assisté d’un Vice-Président, ne peut exercer aucune autre activité qui génère des profits et bénéfices ou toute autre fonction publique. Il promulgue les lois adoptées dans un délai de 25 jours et dispose du pouvoir réglementaire pour en assurer l’application. Il peut également soumettre des projets de loi à référendum et dispose d’un droit de grâce.
En ce qui concerne la sécurité, le Président est le chef des forces armées. Il peut déclarer l’état d’urgence ou de siège, ainsi que l’état de guerre avec l’accord du Parlement. Il est également responsable de la diplomatie; il accrédite les ambassadeurs gabonais dans les représentations consulaires à l’étranger et reçoit ceux de pays étrangers.
Enfin, il dirige le Gouvernement dont les membres sont désignés par décret présidentiel. Le Gouvernement est coordonné par un Vice-Président du Gouvernement et ses membres doivent être Gabonais de naissance, âgés de 30 ans au moins. Dès leur prise de fonctions, ils ne peuvent plus occuper une fonction parlementaire.
En résumé, le TITRE III de ce Projet de Constitution définit le pouvoir exécutif, en établissant le Président de la République comme chef de l'État, responsable de la politique nationale et internationale. Il précise également la composition et le fonctionnement du gouvernement, ainsi que les relations entre l'exécutif et le législatif.
Avis de la Rédaction Article241
A la lecture de ce TITRE III, notre première préoccupation concerne celle de la concentration des pouvoirs du Président. Cette concentration de pouvoirs dans les mains d'une seule personne peut être perçue comme une force, car elle permet une prise de décision rapide et efficace dans des situations critiques. Mais soulève également des préoccupations quant à une dérive autoritaire. Le pouvoir exécutif peut facilement empiéter sur les prérogatives des autres branches du gouvernement, notamment le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. L'absence de mécanismes de contrôle et d'équilibre efficaces peut conduire à des abus de pouvoir et à une gouvernance non transparente. Nous ne voudrions pas que le Gabon répète les erreurs de son passé.
La question de la durée des mandats nous a posé une colle. En effet, il est indiqué que le Président est élu pour un mandat de sept (7) ans, il est rééligible une seule fois et ne peut pas faire plus de deux mandats successifs. Pour nous assurer de faire une interprétation fidèle au texte d’origine, nous avons échangé avec plusieurs personnes, dont des juristes. Et malgré cela, les avis restent partagés !
Un premier groupe pense que le texte signifie que le Président peut effectuer autant de mandats qu’il le souhaite, du moment que ce ne sont pas des mandats qui se suivent. Cela s’illustrerait ainsi : le Président est élu une première fois pour sept ans; à la fin de son premier mandat, il est réélu pour un mandat de sept ans au terme duquel il ne pourra pas se représenter. Mais les élections présidentielles suivantes, il pourra à nouveau être candidat. Et s’il les remporte, il pourra être à nouveau candidat à sa propre réélection. Et ainsi de suite.
L’autre groupe de pensée interprète le texte de la manière suivante : le Président ne peut pas faire plus de deux mandats. Ces deux mandats peuvent être l’un à la suite de l’autre, ou un premier mandat à la suite duquel il perd les élections; et à la prochaine échéance électorale des présidentielles, il pourra se présenter. Quel que soit le cas de figure, cette personne ne fera que deux mandats présidentiels tout au long de sa vie.
Même au terme de ses échanges mouvementés, nous ne sommes pas sûrs de l’interprétation à faire de cette disposition. Selon nous, sa formulation porte à confusion, peut-être de manière délibérée, et aurait nécessité une rédaction plus claire. Et s’il s’avère que son explication est celle présentée par le premier groupe de pensée de nos échanges, alors nous trouvons que cela comporte un risque non négligeable qui pourrait être exploité négativement. Pour notre part, nous aurions opté pour indiquer “deux mandats maximum”. Ainsi, qu’ils soient successifs ou non, il y aurait une véritable limitation de mandats clairement établie.
En ce qui concerne la rigueur des critères d’éligibilité, notamment la nationalité exclusive gabonaise, l'âge (entre 35 et 70 ans), le mariage à une personne également gabonaise et la résidence dans le pays pendant au moins trois ans, ils visent à s’assurer que le Président a un lien profond avec la culture et les intérêts nationaux. Néanmoins, la question du mariage à un ou une Gabonaise soulève une interrogation de notre part. Etant donné que la polygamie est autorisée au Gabon, qu’en est-il du critère de nationalité des époux ou épouses ? L’exigence de la nationalité gabonaise s’applique-t-elle à tous les époux ou épouses ? Ou alors seule la situation du premier mariage est étudiée et retenue ? Parce que dans ce cas, nous n’avons pas l’impression d’une volonté réfléchie jusqu’au bout de protéger les intérêts de la nation.
Enfin, l'un des principaux défis des dispositions de ce TITRE III réside dans la nécessité d'un équilibre entre les pouvoirs de l'exécutif et les dispositifs disponibles pour les contrebalancer. Les décisions prises par le Président et le gouvernement doivent être soumises à un contrôle démocratique pour éviter, voire même prévenir les abus. Cela pourrait passer par exemple par la mise en place de mécanismes d’audits réguliers et de rapports transparents sur les actions gouvernementales. Une démarche de ce genre est essentielle pour garantir que le pouvoir exécutif agisse dans l'intérêt du peuple.
En résumé, bien qu'il affirme des principes importants pour la gouvernance, des défis subsistent quant à la mise en œuvre effective de certaines dispositions énoncées dans ce TITRE III. Pour renforcer la démocratie et la bonne gouvernance au Gabon, il est essentiel de promouvoir des mécanismes de contrôle et d'équilibre, d'encourager la transparence et de garantir la participation active des citoyens. La société civile et les organisations de défense des droits humains jouent un rôle crucial dans cette dynamique, en veillant à ce que le pouvoir exécutif agisse dans l'intérêt du peuple et respecte les droits fondamentaux ainsi que ses engagements.