TITRE VI :

DE LA JUSTICE

Analyse du TITRE VI du Projet de Constitution

Ce Titre VI du Projet de Constitution définit l’organisation de la justice au Gabon. Celle-ci repose sur des juridictions indépendantes et impartiales qui exercent leurs fonctions au nom du peuple gabonais. Ces juridictions incluent la Cour Constitutionnelle, les juridictions de l’ordre judiciaire, administratif et financier, ainsi que des juridictions d’exception. Chaque entité bénéficie d’une autonomie financière, avec des budgets inscrits dans la loi de finances.

La Cour Constitutionnelle est l’autorité suprême en matière constitutionnelle. Elle veille à la conformité des lois, des traités internationaux et des règlements parlementaires avec la Constitution. La Cour garantit également les droits fondamentaux, les libertés publiques et contrôle la régularité des élections. Tout citoyen électeur ou acteur politique peut saisir la Cour pour contester la validité d’une élection. Elle a aussi compétence pour trancher les conflits entre institutions et statuer sur les révisions de la Constitution.

La Cour est composée de neuf juges, nommés par le Président de la République, le Parlement et le Conseil Supérieur de la Magistrature. Ces juges prêtent serment de neutralité et bénéficient d’une protection contre les pressions extérieures. Ils exercent un mandat de huit ans, renouvelable une seule fois, sans possibilité de cumuler plus de deux mandats.

Les autres juridictions se répartissent ainsi : la Cour de Cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, traite des affaires civiles et pénales; le Conseil d’État est l’autorité supérieure en matière administrative; la Cour des Comptes supervise et contrôle la gestion des finances publiques.Les décisions de ces juridictions s’imposent à tous : aux juridictions inférieures, aux pouvoirs publics et aux citoyens.

Enfin, chaque année, la Cour Constitutionnelle présente un rapport au Président de la République et aux présidents des chambres parlementaires. Ce rapport résume l’impact de ses décisions et propose des mesures pour renforcer l’État de droit.

Avis de la Rédaction Article241

Comme souligné dans nos précédentes analyses de ce Projet de Constitution, il existe un risque potentiel de concentration de pouvoirs sur la personne du Président de la République. Cela se constate à nouveau dans ce TITRE VI sur la question de la justice au Gabon. Dans le cas de la Cour Constitutionnelle, les neufs Juges qui la composent sont nommés par le Président pour 3 sièges, l’Assemblée Nationale pour 2 sièges, le Sénat pour 2 sièges et le Conseil de la Magistrature pour 2 sièges. Or, avec ce projet de constitution, le Président de la République est également à la tête du Conseil Supérieure de la Magistrature.

Il a donc la possibilité d’influencer la nomination de cinq des neuf Juges constitutionnels. Cela nous paraît incompatible avec un souci d’indépendance des institutions juridiques et de séparation des pouvoirs, un fondement pourtant affirmé par le TITRE VI. En effet, une Cour Constitutionnelle influencée par l’exécutif limite considérablement les garanties d’impartialité et d’autonomie, essentielles au bon fonctionnement d’une démocratie. Une distribution des nominations plus équilibrée entre le Parlement, la magistrature et des entités indépendantes, notamment la Société Civile, serait préférable pour renforcer la crédibilité et l’indépendance de la Cour Constitutionnelle.

De plus, le TITRE VI ne prévoit pas de mécanismes de contrôle ou d'évaluation des performances judiciaires. Sans une telle évaluation, il est difficile d'identifier les lacunes et d'améliorer continuellement le système. Des audits réguliers et des rapports d'activités pourraient contribuer à renforcer la transparence et la responsabilité du pouvoir judiciaire. Et même au-delà des évaluations de performances, il n’est pas fait mention d’une institution compétente pour juger ces hautes institutions de justice ou traduire en justice les membres de ces institutions.

Enfin, en ce qui concerne le rapport annuel que la Cour Constitutionnelle présente au Président et aux chambres parlementaires, bien que cela soit un pas vers la transparence, il est regrettable que le texte ne prévoit aucun mécanisme de suivi. Le rapport annuel que la Cour Constitutionnelle présente au Président et aux présidents des chambres parlementaires représente une opportunité pour évaluer les décisions et impacts de cette institution. Toutefois, elle ne dispose pas de mécanisme de suivi, ce qui représente une opportunité manquée de poursuivre le processus entièrement. L'absence de dispositif permettant au Parlement ou à la société civile de réagir officiellement à ce rapport limite son potentiel de réforme. Un suivi actif, par le biais de consultations publiques ou d’auditions parlementaires, pourrait renforcer le rôle de ce rapport en tant que véritable outil d’amélioration continue pour l’État de droit.

Nous espérons que le Gouvernement et les institutions concernées sauront apporter les réponses à ces interrogations pendant la période de propagande référendaire.